vendredi 21 février 2014

A la Réunion avec Mamie



Zabeth a fait un long voyage pour venir passer quelques jours avec nous...bien courageuse cette Mamie ! Nous avons donc bien profité de son arrivée parmi nous, dans notre nouvelle et spacieuse maison à Grands Bois, pour retrouver le plaisir d'être ensemble et le goût de ses excellentes confitures de framboise et de mûre avec des « ti cadeaux » en sus : saucisson et chocolat...Mamie Mère Noël !!! Et puis, ce fût l'occasion de lui faire découvrir les saveurs locales, carris et rougaïls, fruits exotiques, « Chinoiseries » et autres spécialités du coin...bref, on s'est pas privé et la balance le confirme !

A peine deux jours après son arrivée, juste le temps de prendre la température locale à savoir 33° en moyenne et des averses 3 fois par jour, nous sommes monter voir le Cirque de Mafate par Dos d'âne (accès par Le Port et Rivière des Galets au Nord Ouest) , accompagné d'un ami C. rencontré lors de nos précédentes escapades à Maurice. 


Deux heures de balade sous un soleil radieux (premiers coups de soleil et premières courbatures pour Mamie...) avec de beaux points de vue à Cap Noir et Roche Vert Bouteille (Pic à 1239m). Le sentier était frais et ombragé au départ puis en arrivant au belvédère de Cap Noir, on découvre d'un seul coup...le mythique Mafate, succession de falaises, de ravines et d'à-pics, verts et écrasés de lumière, dominés par le Gros Morne (3013m). Au fond du cirque serpente la rivière des galets...c'est franchement époustouflant et on comprend mieux pourquoi ce lieu est préservé car tellement inaccessible! La table d'orientation est bien utile pour se repérer dans ce relief accidenté et chaotique. 


La poursuite de la balade passe par des échelles métalliques puis on atteint une crête d'où l'on découvre l'autre versant, le village de Dos d'âne et ses cases éparpillées au milieu des plantations (beaucoup de serres et d'élevages de poulet). Cette randonnée est donnée comme facile, boucle de 2,5 kms pour 1h30 de marche avec 235m de dénivelé...malheureusement, Mamie ne s'en est jamais complètement remise ! Nous avons dû revoir à la baisse nos intentions pour la suite de son séjour n'ayant pas l'intention de la dégoûter à jamais de nous rejoindre aux antipodes...

En redescendant vers le littoral, nous nous sommes arrêtés au Musée de Villèle, ancien domaine colonial situé sur les hauteurs de St Paul, construit en 1775 par de riches propriétaires créoles, les Panon-Debassayns. 


http://www.mi-aime-a-ou.com/saint_paul_musee_de_villele.php

Rappelons que St Paul est le lieu où débarquèrent les premiers colons Français en 1646 donc le berceau de la colonisation de cette ile. Il me semble l'avoir déjà évoqué car je l'avais lu dans les guides mais la visite de ce site « refroidit » sérieusement malgré la chaleur ambiante ou plutôt ce sont les explications du guide qui nous ramènent sans ménagement à une réalité historique lourde d'atrocités et de souffrances...après la beauté de Mafate, c'est rude !
Le domaine s'est développé grâce au système de servitude avec 470 esclaves originaires d'Afrique, de Madagascar ou d'Inde à la belle époque de la culture de la canne à sucre (milieu XIXème) et il a été administré jusqu'en 1994 par les descendants de cette famille (avec des engagés après 1848 puis des ouvriers). On entre dans la maison des Maitres aux allures de palais de Pondichery pour découvrir l'impressionnant arbre généalogique de cette famille (Madame a eu 13 enfants, a enterré son mari à 45 ans puis a dirigé l'exploitation seule jusqu'à 91 ans...no comment!). Ensuite, on traverse une enfilade de 7 pièces qui n'ont pas souffert du temps, à peine restaurées et qui sont meublées par des objets d'époque de grande valeur ; certains offerts par des empereurs, rois ou personnages importants de  la société Française et Américaine du XIXème siècle. Bref, « ça en jette » et le guide, descendant d'esclave et très compétent, bien évidement, ne nous a épargné aucun détail sur la vie quotidienne du « petit personnel » et sur l'implacable système de contrôle et de surveillance mis en place pour « faire tourner la boutique »...on a d'ailleurs pu le lire noir sur blanc (mauvais jeu de mots, j'avoue !) à l’hôpital des esclaves qui présente des panneaux explicatifs tout à fait clairs...certains dictateurs passés ou actuels n'ont donc rien inventés ! On peut aussi visiter les cuisines des maitres, l'usine à sucre en ruine et pour terminer, « la cerise sur le gâteau »...la Chapelle Pointue pour les incontournables offices religieux réservés au Domaine, ayant également pour objectif d'évangéliser « tous ces sauvages », le dimanche après-midi, seule demi-journée de libre pour les esclaves...au cas où ils s'ennuieraient ou au cas où ils auraient envie de se la couler douce ! Un grand moment de mémoire, bien chargé en émotions...

Découvrir la Réunion, ce n'est pas seulement prendre connaissance de son histoire ou explorer sa grandiose nature mais c'est aussi participer à la vie sociale et culturelle et le week-end, aucun souci pour aller à la rencontre des pratiques locales. 

Nous avons donc fêté le Nouvel An Chinois,
fait un PicNic sur la plage de St Pierre avec mes collègues du Taï Chi et « buller » tout un dimanche aux  Cascades Langevin. Qu'en dire...tout était sympa...le Nouvel An, avec foule bigarée, pétards, défilés, spectacles et lâcher de lampions...année du Cheval ? Il me faudrait une connexion pour me renseigner sérieusement à ce sujet auprès de « mes Chinois préfèrés » et je vous transmettrai !
Pour le rassemblement Taï Chi, dans la plus pure tradition Réunionnaise hormis la bâche et le feu de bois, nous avions des tables couvertes de victuailles, des gammelles remplies de « Ti Carri » tous aussi succulents les uns que les autres et une ambiance chaleureuse et paisible. Et enfin, la sortie dominicale aux Cascades, en descendant vers le sud entre St Joseph et St Philippe.



 Nous avons cette fois-ci pu gravir la route jusqu'au Hameau de Grand Galet, en 1ière et un peu sous la pluie

mais ça valait le détour...la cascade du Trou Noir puis celle de la Grande Ravine, splendides ! 

Puis nous sommes redescendus nous installer au bord de la rivière pour un après-midi farniente et rafraichissant au bord de la rivière, trempette dans l'eau vive pour les grands et plongeons pour les petits...trop bien !
 

 


















































Le fiston a emmené sa mère au Volcan, je ne puis vous en donner l'exacte teneur mais une belle journée malgré des nuages, de la pluie et du brouillard...et une mamie bien contente d'avoir vu la bête ! Tiens, à ce sujet, notre nouvelle voisine, 70 ans bien sonnés, n'est jamais allée au Piton de la Fournaise...elle avoue sa peur de s'en approcher bien qu'il ne soit pas menaçant en ce moment, inutile d'insister, il ne faut pas « fricoter » avec ce monstre-là !

Autre belle balade aux Makes, au-dessus de St Louis car on peut monter en voiture jusqu'à La Fenêtre (1505m)...nom tout à fait approprié pour une vue saisissante sur le Cirque de Cilaos




On grimpe donc dans les hauts en traversant une forêt de cryptomérias et de tamarins. On dépasse de nombreux kiosques à pique-nique, végétalisés,

équipés de cahutes, de barbecues, d'aires de jeux et entretenus sans relâche par une association de réinsertion...ça ressemble presque à des jardins japonais ! Du  belvédère du Pavillon, 3 min de marche du parking, on a eu l'immense chance de voir Cilaos dégagé alors que nous étions sur place assez tard, vers 8h30/9h...à la Réunion, tout se fait aux aurores pour se garantir une bonne visibilité et comme les distances à parcourir pour atteindre les départs de randonnées sont longues, il est très difficile de mobiliser les troupes, surtout quand les recrues se lèvent déjà 6 jours sur 7 à 6h du matin! Autre solution, partir la veille et dormir dans le cirque...j'espère que cette expérience sera au programme de nos prochaines vacances.
Bref, on a pu admirer l'ensemble du site, dominé à l'ouest par le Grand Bénare (2896m) et au nord par le Piton des Neiges (3070m) et ses îlets blottis sur des petits plateaux. Nous sommes descendues par une pente bien raide vers Piton Cabri que nous avons réescaladé de moitié (1505m) pour avoir un autre point de vue, à l'Est, par la brèche du Bras de Cilaos (creusée par la rivière)...d'ailleurs, c'est par là que sont entrés les nuages qui ont complètement envahis le cirque. Puis, nous avons, Zabeth et moi, terminé cette excursion par une descente de 45 min par le sentier de Bras Patate pendant que Chris remontait vers la Fenêtre pour récupérer la voiture et nous attraper sur la route forestière en aval. Le chemin est très agréable, verdoyant, humide, bordé de bois de couleurs et de longoses très parfumées...une randonneuse nous a confié que cette plante était une « peste végétale », dommage...si belle et si odorante, comme quoi on ne peut toujours pas se fier aux apparences même dans la nature, ça devient compliqué !  Notre balade s'est soldée par un Carri Dorade au Snack des Makes...un sans faute !




Comme nous aimons beaucoup le Sud, vous aviez deviné, nous avons refait le circuit typique du Cap Méchant à Notre Dame des Laves avec de nombreuses haltes pour profiter de cette magnifique côte sauvage, plantée de filaos, de vacoas, de palmistes, de cocotiers qui donnent une ambiance quasi tropicale bien particulière...donc le Cap Méchant, toujours aussi noir basalte, bleu turquoise et blanc d'écumes, le Baril et sa piscine d'eau de mer, St Philippe et un arrêt « Gratin de palmiste » au snack de « la mer cassée » (on en rêvait depuis 6 mois!!!), la route des laves avec des stops « coulées de 2007 et de 2004 » pour explorer une ou deux galeries à la frontale et un dernier arrêt sur le retour à l'ancien port du Tremblet...



là, nous n'y étions jamais allés et c'était incontournable car on accède à une plage de sable noir juste en dessous de la coulée de 2007, celle qui a fait grandir la Réunion de plusieurs hectares ; d'ailleurs l'océan n'a pas l'air d'apprécier cette intrusion, le ressac est tellement violent que je l'ai filmé. 
  
Et bien sûr l'Anse des Cascades et Piton Ste Rose avec son église épargnée par l'éruption de 1977...renseignement pris lors de cette seconde visite, la gendarmerie a également échappé à la coulée mais l'info ne semble pas primordiale...et les gendarmes Corses ne peuvent pas en dire autant ! Bref, une belle journée, sous un ciel chargé, masquant le Volcan, accompagné de notre ami C., conducteur émérite et tellement patient !

Comme le temps n'était pas suffisaient clément pour nous permettre de monter en altitude, le fiston a accompagné sa mère à la plaine des Grègues et à la Maison du Curcuma, le safran peï, qui ressemble à du gingembre... j'ai raté l'expo et la vidéo qui expliquent les techniques de culture et de préparation de cette épice, dommage. Puis, tous ensemble, nous sommes allés pique-niquer à l'Etang Salé les bains et les 3B se sont régalés dans les vagues entre les 2 panneaux de baignade surveillée, histoire de « taquiner » le boule-dog...moi, j'aime pas me baigner là où y a des gros poissons pas gentils ! Ensuite, la Pointe au Sel également appelée Pointe de Bretagne (des bretons y débarquèrent au XVIIème) pour visiter les salins. Le site n'est pas mis en valeur, bien que géré par le Conservatoire du Littoral et nous avons failli passer à côté du Musée du Sel. La présentation de l'histoire des salines, de leur fonctionnement et de leur exploitation est décevante parce qu'en mauvais état, sans personne pour médiatiser quoique ce soit...la moitié du batiment est consacré à des expositions temporaires mieux valorisées que la spécificité du lieu ! Bref, je n'épiloguerai pas sur le sujet qui m'agace un tantinet au regard du résultat des sommes faramineuses parfois investies pour protéger et faire connaître notre patrimoine, continuons jusqu'à St Leu...autrefois dénommée, Boucan-Laleu (Boucan signifie cabanon en créole), avec son grand lagon, ses surfeurs frustrés et ses bâtiments de lave sombre, l'église de Notre Dame de la Salette en étant le plus imposant spécimen. On ne pouvait pas rentrer sans manger une glace bien sûr...d'ailleurs, je vous ne l'ai pas encore dit mais à chaque sortie en famille, on guette le camion du glacier, ça nous rappelle de bons souvenirs asiatiques grâce à la petite musique débile et insupportable, sensée avertir le client et la dégustation d'une boule de Mangue/Coco/Ananas/Pistache ou Litchee ne nous déçoit jamais !

Fin du séjour ce lundi 17 à l'aéroport de St Denis à 8h30...2h de trajet agrémenté de bouchons que les Réunionnais supportent quotidiennement pour aller travailler mais le panorama est tellement beau sur cette route des Tamarins. Merci Zabeth pour ces bons moments partagés et aussi pour ton dernier cadeau (celui que les douaniers n'auront pas)!
Au retour, je me suis arrêtée aux Archives Départementales avec l'envie de consulter de vieux documents. Finalement, j'ai passé une bonne heure sur l'exposition sur les patronymes donnés aux affranchis après l'abolition de l'esclavage en 1848. A cette date, la Réunion comptait 106000 habitants dont 6287 individus libres de couleur et 62000 esclaves. Rappel historique : notre bon roi Louis XIV a institué le code noir en 1665 ce qui a permis aux Antilles et à Bourbon de lancer l'exploitation du coton et du café puis la Traite s'est intensifiée en 1725 avec le développement de la canne à sucre et 100 ans plus tard, il y avait 80000 esclaves à Bourbon ! L'affranchissement était possible, bien que rarissime avant 1848, par différents moyens mais uniquement demandée par le Maitre : en récompense de bons et loyaux services, par mariage et filiation, par testament, par le privilège de la terre de France (vivre sur le sol Français comme l'a réclamé l'esclave FURCY), par adoption, par rachat. Cette démarche  ne s'est donc pas faite du jour au lendemain ; en 1832, le nom et le prénom étaient déjà devenus obligatoires ; en 1839, les autorités ont constitué des registres de matricules pour recenser tous les esclaves puis en 1848, des registres spéciaux de recensement et de nomination. Mais comment dénommer tant de personnes lorsque beaucoup d'entre eux ne portent qu'un numéro ou un sobriquet et surtout comment limiter les homonymes ? C'est là que les choses se corsent et deviennent intéressantes...

Le calendrier Grégorien fût bien utile : pour les prénoms, Achille, Caton, Cinna, Eléonore, César, Jupiter, Scipion, Vénus et pour les noms de famille, Séraphin, Catherine, Jacques, Jean, Joseph, Marie, Saint-Ange, Furcy...Puis, le nom de l'ancien Maitre comme Damour ou Robert, ou encore le surnom déjà connu comme Beausoleil, Coeursec, Sanspeur, Sansreproche. D'autres ont bénéficié d'appelation mythologique ou historique comme Appolon, Arthémise, Epaminondas, Charlemagne...issus du registre du théatre ou de la littérature comme Athalie, Esther, Figaro, Narcisse...de la flore locale ou européenne comme Badamier, Chiendent, Cocotier, Chataigne...
La géographie ou l'origine éthnique a également été employée comme Ecosse, Madras, Manapany, Nanterre, Tranquebar, de Guinée, Macois, Moucazambo, Mozambique, Babou, Ramalinga, Salam, Zulma...Plus courant, on trouve aussi des noms d'objets et de métiers (pratique la plus répandue à travers le monde) comme Beffroi, Harpon, Quintal, Arpenteur, Médecin, Muletier, Pêcheur... Puis, retour au calendrier révolutionnaire avec Brumaire, Mardi, Dexembre et à l'actualité politique de l'époque avec Billaud-Varenne, Cromwel, Danton, Toussaint Louverture, Schoelcher...
Les adjectifs ont apporté leur contribution avec Futur, Magique, Minéral, Unique ou Dévoué, Généreux, Morose, Narquois, Placide, Récalcitrante, Lespiègle, Boiteux, Gringalet, Trèsbelle, Vigoureux, Heureux...
Le « casse-tête » de cette gigantesque entreprise de dénomination n'est pas terminé, certains ont eu l'idée de jouer avec les mots, voyez plutôt : inverser les voyelles Romain=Niamor ou inverser les syllabes Lubin=Nibul ; donner dans l'humour ou la malveillance avec Georges Lincendiaire, Monchoisy Sacàvin, Labonté Malnommé, Lafortune Misère, jean Mieuxquerien, Vincent Défecateur, Sansgène Bienommé, Police Dufumier, Adonis Superbe, Gabriel lange, Mars Ledieu, Auguste Lempereur, Manon Lescot, Fleury Denavarre, Orosmane Lesultan...
Qu'en pensez-vous, mes amis ?